jeudi 24 septembre 2015

Le 6ème tournoi des nouvellistes

Pour la 6ème année consécutive, le site Nouveau Monde organise son tournoi des nouvellistes. À ma connaissance, cet événement est unique en son genre sur le web francophone. 



Le concept est somme toute assez simple : présenter aux lecteurs plusieurs nouvelles et les inviter à élire celle qu'ils préfèrent. Pour garantir une certaine impartialité, le jury, composé de sept membres, vote également et sa voix compte pour la moitié des résultats finaux. 

Avec les années et les éditions, ce tournoi est monté en puissance, attirant de plus en plus de lecteurs et d'auteurs. Au début, il n'y avait que 16 nouvelles en lice. Le tournoi débutait par les huitièmes de finale, le récit qui obtenait le plus de votes se qualifiait pour la phase suivante. Maintenant, il y a 32 nouvelles sur la grille de départ, chacune étant l'oeuvre d'un auteur différent. Le tournoi commence donc par un système de pool, avec 4 récits par groupe. Toutes les semaines, les lecteurs sont invités à voter pour un nouveau pool, jusqu'aux huitièmes de finales. En tout, le tournoi dure 23 semaines, ce qui donne une ampleur étonnante à ce tournoi unique.



En plus de ses qualités intrinsèques et de son organisation très réussie, ce tournoi me plaît pour les souvenirs qu'il m'évoque. Lorsque nous étions jeunes et insouciants, avec plusieurs amis auteur, nous avions mis au point notre propre système de tournoi. Hélas, comme nous étions peu nombreux, nous devions voter pour les nouvelles des autres candidats, il n'y avait pas beaucoup de lecteurs seuls. Il faut dire que, contrairement au tournoi des nouvellistes qui a le bon sens de plafonner la taille des récits à 20K SEC, nous lancions dans l'arène tout ce dont nous disposions. Ainsi, des pavés de plusieurs centaines de milliers de SEC étaient proposés à un lectorat que ce format pouvait vite décourager, compte-tenu des qualités balbutiantes de notre prose de l'époque.

Quand j'ai découvert ce tournoi l'an passé, je me suis dit qu'il fallait que j'y prenne part. Pour diverses raisons, je n'ai pas pu m'y inscrire. Cette année, une de mes nouvelles est sélectionnée. J'ai hâte de voir comment le tournoi va se dérouler. Si le public va aimer ma nouvelle. 

En fait, le tournoi a ouvert ses portes le 12 septembre. À cause d'un agenda trop chargé, j'ai manqué la première semaine de compétition, mais je compte bien me rattraper d'ici demain soir et voter pour les nouvelles en lice pour la deuxième semaine. Je vous encourage à en faire autant, d'ailleurs. Les éliminatoires du groupe B se trouvent ici. Je pense que vous apprécierez la qualité des œuvres présentées. Et si vous souhaitez lire les nouvelles de l'an passé, il n'est pas trop tard. Elles ont toutes été regroupées dans deux numéros hors-série de la revue Nouveau Monde. N'hésitez pas, c'est totalement gratuit !



Je profite de cet article pour remercier Aramis Mousquetayre, fondateur de ce site et de cette revue, et instigateur du tournoi, ainsi que les 7 membres du jury qui ont lu près de 60 nouvelles cet été pour sélectionner les 32 participants. C'est un sacré tour de force que vous nous offrez là.

Quant à moi, je reviendrai avec un nouvel article ici pour vous signaler le lancement des votes du groupe dont ma nouvelle "Mort Chronique" fait partie. 

samedi 5 septembre 2015

J'ai testé pour vous : dicter ses récits.

Il n'est pas toujours simple d'écrire à sa guise. Souvent, cela exige de réunir certaines conditions, celle qui revient le plus souvent en tête des prérequis étant le calme. Et quand on est au calme, encore faut-il avoir un clavier ou du papier et un stylo, et la possibilité de s'en servir. 
Je me suis aperçu qu'un des moments où je suis le plus au calme ne réunit pas toutes ces contingences matérielles. C'est quand je suis dans ma voiture, pour aller ou revenir du boulot. Dans de telles conditions, pas question d'écrire. Mais il m'est déjà arrivé de répéter des dialogues, pour me rendre compte de l'impact des répliques à l'oral, avec des résultats satisfaisants. Je gardais dans un coin de ma tête ce qui fonctionnait, et pouvais jeter le reste. 

Oui, on est au calme dans la voiture. (crédits : http://www.greenweez-magazine.com)


Autre point qui a guidé ma démarche : une critique assez récurrente concernant mes récits vient de la sonorité de mes phrases. Il est vrai que je n'y apporte pas une grande attention, ni à l'écriture, ni à la relecture, puisque je ne me relis jamais à voix haute. En dictant mes phrases, si la sonorité est mauvaise, ou même si le rythme n'est pas bon, je me suis dit que je m'en rendrais compte tout de suite.

Enfin, le dernier argument est plus personnel. J'ai toujours cherché le moyen le plus rapide de passer de la pensée au support matériel, pour que les idées gardent toute leur fraîcheur et tout leur impact. Je suis convaincu qu'une des clés de l'intensité d'un récit réside dans ce point. J'ai la chance de taper assez vite (je peux coucher sur le clavier en moyenne 1200 mots à l'heure, avec des points à 1500 quand je n'ai pas trop à m'interrompre pour réfléchir à mes formulations.) Mais mon débit oral est forcément plus rapide que ça, même si, en l'occurrence, je ne l'ai pas mesuré. Ça ne m'a pas semblé utile tant c'est évident.

(crédits : fr.evilox.com)


Restait donc à trouver le matériel qui me permettrait de faire un test potentiellement concluant. J'avais le souvenir de ma vie estudiantine, dans les années 90 (oui, le siècle dernier. Voire le millénaire dernier, si vous y tenez) et des dictaphones qu'on posait devant le bureau des maîtres de conférence dans les amphis. À force de voir des étudiants le faire, j'avais essayé, en me faisant prêter un dictaphone. Le problème était à l'époque de devoir écrire ce qui avait été enregistré. C'était une grosse perte de temps à mes yeux et je pense que cette méthode est surtout efficace pour les gens qui ont une meilleure mémoire auditive que visuelle. 

Près de vingt ans après, c'est différent. Il existe aujourd'hui des logiciels qui permettent de transcrire la parole à l'écrit automatiquement. Certaines médecins s'en servent, les huissiers en sont grand consommateurs, mais tous attestent que ces logiciels, encore imparfaits, nécessitent une relecture attentive pour obtenir un résultat correct. Or, ça tombe très bien, puisqu'il est inconcevable d'écrire un récit sans se relire. 
Restait à contourner le problème financier. Car oui, ces logiciels sont onéreux, et pour un simple test, pas question d'investir le moindre argent. Je me suis alors souvenu de SiRi, une fonctionnalité de mon Iphone, qui permet de dicter des SMS et des les envoyer au correspondant de son choix. Je me suis dit que, si ça fonctionnait pour les SMS, ça devait fonctionner aussi pour d'autres supports écrits. En effet, dans l'application "notes", il existe un mode dictaphone qui reconnait ce que je dis et l'écrit automatiquement. Il comprend même la ponctuation. Quand je dis "virgule", il met la ponctuation. Si je m'appelais Greg et que j'écrivais Achille Talon, cela me poserait un vrai souci. Mais comme je n'ai aucun personnage qui s'appelle "Virgule de Guillemet", tout va bien :)

C'est elle, Virgule de Guillemet (crédits : tmeheust.free.fr)


La note ainsi générée peut ensuite être copiée et collée, envoyée par mail ou, si on possède la suite Polaris Office, mise sous forme de traitement de texte. Comme je n'aime pas Polaris, j'ai choisi de m'envoyer par mail le résultat de ma dictée, pour ensuite le coller sous Word.

Le premier essai auquel je me suis livré consistait à lire un texte déjà écrit, pour me donner une idée du résultat. J'ai lu deux pages de Stephen King à mon Iphone, puis j'ai regardé le résultat. 

Premier constat : il faut bien articuler ! Sinon, M. Iphone saut des mots, ou en crée d'autres, phonétiquement proches. Ceci dit, en adoptant un débit normal, ça fonctionne plutôt bien.
Second constat : les accords ne sont pas toujours bien respectés. Par contre, la conjugaison des verbes ne prête pas trop le flanc à la critique, même s'il faut rester vigilant.
Après trois tentatives, j'ai trouvé le bon débit, la bonne distance entre ma bouche et le micro, et obtenu un résultat toujours imparfait, mais satisfaisant. 

J'ai donc enchaîné avec un second essai : dicter un passage narratif. Pour être plus précis, inventer un passage narratif que j'allais dicter en l'état où il me venait.

Premier constat : sans support visuel, l'élocution en prend un coup ! Forcément, j'ai eu des hésitations sur la construction de mes phrases et ça s'est cruellement fait sentir.
Par exemple, j'ai dit : "Lorsque Jeff pénétra dans la rue, la nuit était sur le point de tomber. Ses pieds foulaient un sol composé de pavés, garnis de chewing-gums collés. Il tremblait de froid mais, vaille que vaille, poursuivait sa marche."
Et M. Iphone a écrit : "Lorsque j'ai fait naître dans la rue, la nuit était sur le point de tomber. C'est pied foulée est insolent composé de pavés, garnie de chewing-gum coller. Il tremble de froid mais poursuivait ça marche."

(crédits : http://lejardindesgifs.centerblog.net)


Oui, moi aussi j'était plié de rire devant ce résultat improbable. Vous remarquerez que "vaille que vaille" a disparu. Après plusieurs essais, j'ai fini par comprendre que M. Iphone ne connaît tout simplement pas cette expression, et ne lui trouve aucun équivalent phonétique. 
Quant au prénom "Jeff", il parvient à le reconnaître avec un peu d'insistance. 

Tout le reste de ce que j'ai dicté (l'équivalent d'une demi-page A4) est a l'avenant de ce court extrait. C'est très drôle, mais pas franchement efficace. Comme M. Iphone saute des mots quand il ne comprend pas ou qu'on va trop vite, certains passages sont tout à fait incompréhensibles et il faut un sacré effort de mémoire pour se souvenir de ce qu'on a dicté pour remplir les blancs. 

J'ai poursuivi mes efforts en dictant d'autres passages, en soignant mon élocution, en m'assurant que M. Iphone notait bien tout ce que je disais. J'ai obtenu de meilleurs résultats en m'arrêtant régulièrement pour vérifier, en réajustant le son de ma voix. Par contre, j'ai perdu pas mal de temps, j'ai dû jongler entre écriture et correction instantanées, ce qui m'a fait perdre le fil de ma narration. 

Je me suis alors imaginé ce que donnerait une séquence de quinze à vingt minutes de dictée, dans ma voiture, sans pouvoir me relire toutes les quatre ou cinq phrases. Un cauchemar ! Un gloubiboulga de mots enchevêtrés, inintelligibles, au milieu desquels je finirais par me perdre. Un casse-tête chinois qui me prendrait un temps fou à résoudre. Bref : une vaste perte de temps.

Deux adeptes du gloubiboulga... Aucun d'eux n'est moi :) (crédits : .wwwreflets.info)


Peut-être qu'avec un logiciel plus abouti, le résultat serait meilleur. J'ai toutefois des doutes assez sérieux quand j'en discute avec des gens qui en font un usage professionnel. Le résultat doit toujours repasser entre les mains de leur secrétaire pour que les fautes soient corrigés et les blancs complétés. 
Sans compter qu'à l'oral, le style s'appauvrit considérablement. Comme tout va plus vite, je me souvenais moins bien de ce que j'avais dicté précédemment. Je commettais donc davantage de répétitions. Privé de support visuel, je proposais des phrases moins travaillées, plus pauvres. Non que je sois un fan des phrases de 65 mots, mais je ne suis pas non plus adepte d'une suite de phrases trop courtes, à la structure répétitive. 

Ainsi s'est achevé mon test. Voici les conclusions que j'en tire, et qui n'engagent que moi :
1- la technologie de mon Iphone n'est pas assez aboutie pour en tirer un résultat exploitable.
2- il faudrait sans doute beaucoup de temps et de concentration pour produire à l'oral un style aussi bon qu'à l'écrit. Donc l'usage en voiture, alors que je dois aussi me concentrer sur la route, est à proscrire. Mais même au calme, dans mon bureau, sans doute par habitude, je préfère encore pianoter sur mon clavier.
3- la relecture et la correction du résultat obtenu sont éprouvantes. Je m'y serais vite épuisé.

Il me semble toutefois qu'avec un logiciel plus perfectionné, le résultat pourrait être intéressant pour des gens dont la vitesse de frappe est vraiment lente. Peut-être même que, dans quelques années, je retenterai moi-même cette expérience et vous livrerai d'autres conclusions. 
En attendant, puisque j'ai fait ce test dans un moment de repos, sans objectif ni pression, j'ai bien ri. La transcription que M. Iphone a fait de certaines de mes phrases est aussi inattendue qu'hilarante. J'aurais probablement eu moins d'humour si j'avais effectué ces tentatives dans un contexte moins décontracté. 

Un humoriste méconnu ;) (credits : www.apple.com)