vendredi 31 juillet 2015

Le silence de la plume.

Depuis que j'ai ouvert ce blog, beaucoup de choses ont été évoquées. Toutes ont leur importance à mes yeux, mais il y en a une, essentielle, dont je ne vous ai jamais parlé : le repos.



Je compare souvent l'écriture et la musique. Les deux ont de nombreux points commun, comme leur richesse, l'importance de leur vocabulaire, les émotions que ces deux arts véhiculent. Or, en musique, le silence est important. Crucial, même. Il peut être de durée plus ou moins brève, mais c'est lui qui permet de respirer. Sans silence, la musique devient vite du bruit.
Quand on écrit, c'est la même chose. Il faut parfois mettre sa plume au repos, la faire taire. 




Il me semble que la plupart des gens qui n'écrivent pas imaginent mal l'énergie que consomme une séance d'écriture. Ce n'est pas comparable à une journée de travail. Au boulot, ou bien à la maison, les tâches sont toujours plus ou moins les mêmes. On s'y habitue, on les fait sans y penser.
Quand on écrit, on doit penser à tout. Les automatismes s'appellent alors des tics de langage et il faut les chasser de sa prose. Aucune séance d'écriture ne ressemble aux autres, excepté si on considère des notions comme l'heure, la régularité, le nombre de mots qu'on s'impose. Cela mis à part, d'une histoire à l'autre, tout change : personnages, contexte, histoire, ambiance, ton de la narration et j'en oublie.

Vous serez donc aussi fatigué en écrivant pendant 2 à 3 heures d'affilée qu'en effectuant une journée de 7 heures de travail. Or, la plupart des auteurs étant des amateurs, ils cumulent travail et écriture, sans compter la vie de famille, les enfants pour celles et ceux qui en ont. Même si la passion donne de l'énergie, il arrive un moment où l'auteur s'essouffle, ne parvient plus à garder sa concentration. Quand tout est flou, le récit devient abscons.



C'est le moment opportun pour imposer le silence à la plume. Simple ? Surement pas ! 
Si je prends le cas des auteurs édités, il peut y avoir des contraintes, comme un roman à remettre pour une date X, ou un BAT à rendre après l'avoir relu très attentivement. L'esprit peut vouloir une pause, mais les conditions sont susceptibles de ne pas le permettre. Sans compter la pression, au demeurant délicieuse, des fans qui attendent la suite.
Pour les auteurs qui ne sont pas soumis à ces contraintes, même si ça peut sembler paradoxal, il y a une forme d'envie de s'y soumettre. Parce que ces contraintes signifient que le roman sur lequel on travaille depuis plusieurs mois ou années va enfin voir le jour, qu'on va le recevoir à la maison, le voir en librairie. On a hâte de vivre ça. On voudrait écarter les obstacles au plus vite, hâter les relectures, les restructurations. La dichotomie qui s'installe entre cet empressement et le besoin de repos rend la prise de décision compliquée. Or, plus on attend, plus on s'épuise et le risque de craquage nerveux s'accroît.




Dans mon cas, ça s'est traduit par une réaction négative lors d'un refus pour une nouvelle, totalement disproportionnée compte-tenu de l'enjeu. En fait, j'aurais dû m'arrêter depuis des mois, mais avec mon fichu caractère, je me suis forcé à poursuivre, à enchaîner les récits et les projets. Me voilà donc au repos complet, et je pense qu'il va me falloir encore quelques semaines pour être parfaitement reposé. Si je m'étais arrêté à temps, en 10 ou 15 jours, je me serais refait une santé. Or, voilà déjà près d'un mois que je n'ai rien écrit et je ne me sens pas encore assez en forme pour m'y remettre.

Donc, si vous sentez la fatigue pointer le bout de son nez, et pour peu que vous n'ayez pas d'obligation, ne tardez pas à obtempérer. Vous n'aurez jamais raison contre les lois que votre organisme vous impose. Vous ne serez pas plus efficace en vous forçant à dépenser une énergie que vous n'avez plus. Respectez le silence de la plume si vous voulez qu'elle continue à virevolter et à gazouiller.

Crédit : www.wallfizz.com


lundi 13 juillet 2015

Jardinier, vraiment ?

On apprend beaucoup de choses en fréquentant d'autres auteurs. C'est mon cas depuis quelques temps, déjà. Entre autres choses, on m'a dit que les auteurs qui ont tendance à ne pas rédiger de plan sont qualifiés de "jardiniers", tandis que ceux qui planifient tout sont appelés "architectes".

Tant que je vivais en appartement, avec de lointains souvenirs de tonte du gazon de la maison de mon père, ça ne me choquait pas. Il est vrai que, pour la tonte des 200m² de pelouse dont j'avais la charge, je ne faisais pas preuve d'une organisation infaillible. Je le faisais quand je trouvais que le gazon devenait trop haut, quand j'avais le temps. Mais étais-je pour autant un jardinier ?

Depuis que j'ai investi la maison, et en particulier le grand jardin de 2000m², garni d'arbres fruitiers, de baies et autres herbes, je me rends compte petit à petit que "jardinier = un peu bordélique", ça ne tient pas la route.

Si j'envisageais mon jardin comme j'envisage mes récits, au feeling, en fonction de mes envies, je planterais mes tomates maintenant. Oui, comme ça, hop. Parce que j'ai envie de tomates. 



J'en vois plusieurs, derrière leurs écrans, qui s'adonnent aux joies du facepalm. Parce qu'ils savent à quel résultat je me trouverais confronté : mes petits plants de tomate commenceraient à pousser, gentiment, puis arriverait le froid automnal. Les plants s'effondreraient et mourraient avant les premières gelées. Quant aux tomates, je serais quitte à aller en acheter au marché. 




Non, quand on veut planter une plante dans son jardin, il faut le faire au bon moment, après avoir préparé le sol et en tenant compte de la météo. Le feeling, dans l'exemple que j'ai cité, réside dans les choix des variétés de tomates qu'on a envie de faire pousser.


J'aimerais donc comprendre pourquoi on tend à dire, en littérature, que les auteurs qui fonctionnent au feeling sont des jardiniers. Surtout qu'on les oppose aux architectes. Un jardinier est forcément un peu architecte. Il doit tenir compte de la composition de sa terre, de l'ensoleillement, du climat de sa région. Parfois même de ce qu'il a planté à tel ou tel endroit les années précédentes !

Bref, tout ça pour dire qu'un jardinier n'est pas quelqu'un de bordélique. Il ne peut pas se le permettre.
Ceci dit, j'accepte volontiers qu'on continue à me qualifier de jardinier. J'adore m'occuper de mon jardin :)