dimanche 28 septembre 2014

Transition sur la lumière.

Tel est le titre d'une nouvelle que j'aime beaucoup, écrite par Grégory R. Waeytens.


Voilà plus de 20 ans que je connais Greg, c'est grâce à lui et à son éternel comparse François C. Lion que je me suis un jour mis à l'écriture.

Mais je vous narrerai mes vieux souvenirs une autre fois, si vous le voulez bien :)

En effet, Greg s'est inscrit au 5ème tournoi des nouvellistes, organisé par Nouveau Monde, et Transition sur la lumière a été sélectionnée. Or, les matches du groupe D, dans lequel figure cette nouvelle ont débuté hier.




Je ne peux que vous inviter chaleureusement à aller lire et apprécier cette nouvelle, et bien entendu lui apporter votre vote en allant par ici.

Et si vous voulez en savoir plus sur Grégory R. Waeytens, son oeuvre et notre association RvsC, vous pouvez visiter son blog (encore tout récent) par là.

Merci pour lui et à très bientôt !


lundi 22 septembre 2014

Les déserts éditoriaux (Hugues frappe encore ! )

Les aventures de notre jeune ami Hugues m'ont permis de vous faire partager mes humbles connaissances du monde de l'édition en SFFF. 
Pourtant, en les relisant, je me suis aperçu qu'il manque encore beaucoup de choses dans ces deux premiers articles. Alors, je vais tâcher de compléter mon propos, et nous allons suivre Hugues, notre jeune auteur de "littérature de l'imaginaire" dans de nouvelles aventures :)

Hugues vient de fêter ses dix-huit ans. Nonobstant l'émoi que lui provoque le passage à l'âge adulte, il a pris du recul sur l'échec de l'envoi de son premier roman. Maintenant, il sait qu'il doit travailler autrement.
Le jeune homme a écrit quatre nouvelles fantastiques, mais son cinquième s'est étiré. Il avait davantage de personnages à manier, une intrigue plus complexe, mais pas encore assez pour faire un roman.
Je sens que vous commencez à percevoir le monstre qui va jaillir du placard... Ne faites pas semblant, je sais que certains parmi vous ont l'oeil pour ces choses-là.
Disons le clairement et appelons un chat un chat ( Non, Beren, je ne t'ai pas appelé... Oui brouuut aussi ! Hum excusez-moi je parlais à mon chat.)
Le nouveau récit de Hugues accuse un poids de 22.607 mots, soit 126.565 Signes Espaces Comprises... Il a écrit... UNE NOVELLA !!!


Hugues n'a pas encore osé envoyer ses premières nouvelles, créations de taille standard (entre 4000 et 6500 mots) aux appels à texte qu'il a trouvés. Il se donne le temps de les relire, de les travailler. 
Mais cette fois, son problème est différent. Comme s'il avait accouché d'un monstre effroyable... D'autant qu'on lui a déjà parlé des novellas... Ça ne pouvait être que Stephen King, hein, Hugues est toujours aussi monomaniaque.
Mais où diable ?
Pas dans "Écriture", son livre de chevet.
Anxieux, il fouille sa mémoire, puis sa bibliothèque. Un étrange son de maracas bon marché semble résonner dans son crâne quand il touche la tranche de "Différentes saisons". 
Oui, c'était là. Dans la postface de ce recueil.
"(...) il vous semble entendre une voix un peu huileuse, avec un accent à couper au couteau.
Buenos dias señor ! Est-ce que vous avez fait bon voyage avec Revolucion Airways ? Vous avez tout plein aimé, je crois, si ? Bienvenue à Novelle, señor ! Vous allez aimer tout plein je crois ! Prenez un mauvais cigare ! (...) Mettez les pieds sur votre bureau, señor, je crois que votre histoire va rester ici très, très longtemps... qué pasa ? Ahahahahah !
Déprimant."




À nouveau, alors que le son des trompettes de la Havane résonne dans ses ouïes, Hugues "El Gringo" sent le vent de l'angoisse souffler dans son cou. Madre de Dios, qu'a-t-il fait ? 
Une lecture complète et attentive de la postface de Différentes Saisons, puis du GGG le lui confirment. Il est arrivé en plein tiers-monde. Le Cuba des années 80 de la littérature. Une région pauvre, désertée, soumise à un embargo quasiment inviolable. 
King a achevé Différentes Saisons en 1982. Entre-temps, le livre numérique à fait son apparition, permettant davantage de fantaisie dans la production littéraire. Il découvre donc une poignée d'éditeurs téméraires qui acceptent de publier ces monstres hybrides, entre la nouvelle et le roman.* Mais ce n'est pas avec ce format-là qu'il touchera un large public.


On ne prendra pas deux fois notre jeune adulte (YA pour les intimes) à envoyer un manuscrit qui a les meilleures chances du monde de ne trouver aucun preneur.
D'un revers de main, il chasse l'odeur âcre de mauvais cigare qui lui flotte dans les narines et se remet à l'ouvrage. La fin de sa novella n'est pas hermétiquement close. Il peut reprendre le protagoniste principal de son histoire et lui faire vivre de nouvelles aventures.
Hugues reprend le clavier et travaille d'arrache-pied. De nouvelles idées jaillissent de son esprit, il pianote de nouvelles aventures sur son écran. En quelques mois, il développe son histoire en six différentes parties, utilisant plusieurs personnages principaux. 
Au global, cette fois, il obtient un récit d'environ 140.000 mots, soit 800.000 SEC. 
C'est mieux, lui semble-t-il. Il aimerait se féliciter mais quelque chose le gêne. 6 histoires qui se suivent, avec les mêmes protagonistes, ça ne fait pas un roman. Il vient d'écrire la première saison d'une série.
Il n'entend plus les maracas ou les trompettes de Cuba. À la place, un harmonica résonne dans sa tête !




Autour de lui : un désert de pierre et de caillasse, aride et poussiéreux. De loin en loin, quelques patelins en bois se succèdent. Un monde nouveau, en train de naître, ou il reste des places à prendre. Mais un monde dangereux, ou le moindre faux pas peut lui valoir une balle dans le coeur.
Bienvenue au Far West des séries, pied tendre !
Oui, ici on peut fêter l'achèvement de son récit avec un bon vieux tord-boyaux du Kentucky, fumer un cigarillo, mais tout se réglera sur un coup de poker.
Hugues pourra faire accepter sa série pas plusieurs éditeurs (dont Bragelonne, via sa collection Snark) mais attention à ce que les épisodes se vendent. 
Le premier sera gratuit, pour attirer un maximum de monde. Ensuite, pour que la série puisse être jugée saine et attrayante, il faudra qu'au moins 10% des lecteurs achètent les suivants.** Sinon, pied tendre, le cimetière des ratés de la gâchette est là-bas, au fond, au milieu de la caillasse ! Alors, Huguy, prêt à jouer ta peau ? Hahaha !


Une des vertus du livre numérique, c'est de permettre le renouveau de formats qu'on croyait disparus et bouffés par les vers. Les séries, ou feuilletons, qui garnissaient jadis les journaux et magasines, renaissent ainsi de leurs cendres. La présence d'un acteur de la taille de Bragelonne sur ce segment laisse augurer de bonnes choses, mais les éditeurs attendent encore LA série qui mettra le feu aux poudres, l'oeuvre incontournable qui fera sortir ce format de son anonymat actuel. 
Un presque désert éditorial, ouaip. Mais on peut s'y bâtir une place au soleil et ramasser une poignée de dollars. Reste le risque propre à toute série (par extension je parle ici aussi des séries de romans, trilogies et plus) : si le succès n'est pas rapidement au rendez-vous, au-revoir.
En attendant, Hugues va finir son whisky et remonter sur son vieux Dollar, et rentrer chez lui dans le soleil couchant, seul. Une fois encore.



*En France, on peut compter sur Voy'el, l'ivre book, éventuellement Lune Écarlate quand ils sortent des mini-anthologies, Actu SF (mais la novella de Hugues serait trop courte pour eux, à priori.) et je crois que c'est tout. Si vous en connaissez d'autres, n'hésitez pas à laisser un commentaires, señoras et señores :)
**Merci à Cécile Duquenne, auteure (entre autres) de la série Les Foulards Rouges, pour cette précieuse information !

samedi 20 septembre 2014

Des genres, des sous-genres et des lignes (Les aventures de Hugues, partie 2)

Retrouvons Hugues, jeune auteur de récits de l'imaginaire, confronté aux difficultés de l'étiquetage de son roman et aux affres du monde de l'édition.
Pour celle et ceux qui ont manqué la première partie, elle se trouve juste ici.


Puisqu'il sait maintenant que son roman est étiquetable dans la catégorie "Fantasy" et comme certains éditeurs sont susceptibles d'éditer son roman, Hugues se met en quête de l'un d'entre eux. 
Mais comment trouver ce précieux éditeur ? Jusqu'à présent, il n'a lu que du King, et ne connait que Albin Michel et Pocket, comme éditeur.
"Google est ton ami !" Lui souffle son intuition d'une voix amicale.
Un large sourire aux lèvres, les yeux déjà pétillants de plaisir, Hugues tape donc "Éditeur Fantasy" dans le célèbre moteur de recherche.

Et là...
Son destin va basculer !
*mode Pierre Bellemare histoires extraordinaires off*

En haut de page, il découvre trois annonces, et saute de joie sur sa chaise de bureau qui émet un grincement de protestation. "Chicchicchic, il y a plein d'éditeurs de Fantasy, et s'ils mettent des annonces c'est qu'ils cherchent des auteurs !" se dit-il. 
D'un geste joyeux, il clique sur le premier : "La compagnie des Écrivains" (et puis, ça pète comme nom !)
Il y découvre que son manuscrit peut être lu sous trois semaines (mais que s'il l'envoie en papier par voie postale, ce sera plus long : 2 semaines environ... Il ignorait jusqu'alors que 2 semaines, c'était plus long que 3 semaines, mais on apprend à tout âge !)*
Enthousiaste, il envoie donc son précieux manuscrit et se dit : "tant qu'à faire, je vais aussi l'envoyer à d'autres, parce qu'on ne sait jamais !" Dans la foulée, il envoie donc son manuscrit à Amlathée (qui faisait de la pub aussi), puis en suivant l'ordre des résultats de sa page de recherche, à Bragelonne (qui annonce qu'il faut parfois attendre 10 à 12 mois, ce qui ne manque pas de le faire frémir), puis les choses se compliquent. Il n'y a pas toujours une rubrique qui permette d'envoyer un manuscrit. 
Puis, il tombe sur le site d'Elbakin qui recense les maisons d'édition par ordre alphabétique. Devant cette liste à rallonge qui pourrait lui permettre de retapisser les murs de sa chambre, sa mâchoire se remet à pendouiller mollement, comme quand le libraire lui expliquait les différents genres de l'imaginaire. Il y en a vraiment tout plein, parmi lesquels Albin Michel. "Mais zalors", songe-t-il en son for égoïstement intérieur, "si il y a Monsieur Michel dans la liste, comme puis-je savoir si tous les éditeurs de cette liste acceptent les manuscrits, hein ?"
(Vous remarquerez que, malgré sa candeur, Hugues n'est pas si sot ! C'est bien mon petit, t'auras un bon point.)


Gagné par la perplexité, il prend son courage à deux mains et retourne chez son libraire, muni de la liste qu'il a imprimée sur la vieille imprimante à marguerite de Tata Rachel (avec les petits trous sur le côté, genre rouleau de PQ pour Troll) et de ses derniers trente euros, juste comme ça au cas où..
En le voyant arriver devant sa vitrine, la peau du libraire change de couleur, comme s'il s'était lavé avec du Omo-qui-lave-plus-blanc-que-blanc. Trop tard pour fermer le volet de fer, l'inénarrable Hugues pousse déjà la porte. Le libraire déglutit bruyamment devant le sourire du jeune homme, qui l'aborde avec un tonitruant : "j'ai oublié de vous demander..."
Pourtant, la conversation est beaucoup plus rapide, cette fois. Le garçon lui tend la liste des éditeurs trouvés sur Elbakin, qu'il a eu le bon goût d'imprimer et lui demande parmi ces noms, lesquels pourraient accepter son manuscrit de Fantasy, hein, dites ? 
Un éclair de génie frappe alors notre bon libraire. C'est que le jeune Hugues n'est pas le premier apprenti auteur qui vienne requérir son conseil !


Grâce à d'autres de ses fidèles clients, il sait que certains forums d'aide aux auteurs existent, et peuvent orienter sa démarche. Il se souvient même d'un guide des éditeurs de SFFF dont un auteur qui est venu en dédicace chez lui a parlé : le GGG. Mais il ne sait plus ce que cet acronyme veut dire.
Hugues repart, accompagné au pas de charge par son libraire préféré jusqu'à la porte de son commerce, fort de cette précieuse information. Oui, dites-vous bien qu'il a vraiment de la chance, sur ce coup-là ! Dès qu'il rentre chez lui, il pianote GGG sur son ami Google.
La perplexité l'envahit quand il découvre le site qui s'affiche en tête de liste des résultats, un certain "GirlsGoGame" qui ressemble à une vitrine pour poupées Barbie... Non, ça ne doit pas être ça !
Il complète sa recherche en tapant "GGG éditeurs". Une pub pour les éditions Grasset plus tard, il tombe sur le "Grimoire Galactique des Grenouilles"**, nom qui ne manque pas de le laisser perplexe.
Toutefois, la page de présentation dudit ouvrage confirme que c'est bien ce qu'il cherche : un guide qui recense les éditeurs, et propose même de l'aider à cibler ses envois. Pour la modique somme de 3 euros (en numérique, en papier c'est 5€), il se paye ledit ouvrage et commence à le compulser avec attention.


La première chose qu'il découvre, c'est que les gens qui ont écrit cet ouvrage semblent être des adorateurs des grenouilles... Il y en a sur toutes les premières pages ! Est-il tombé sur une secte bizarre ? 
Malgré ses inquiétudes, il poursuit sa lecture. Le cauchemar s'intensifie pour Hugues. On lui parle de synopsis, de lettre de présentation, de sous-genres, de lignes éditoriales, de marchés de niche (apparemment, aucun rapport avec les chiens) et de signes. 
Il se sent soudain frappé par la stupeur, assommé par la complexité d'un monde qu'il imaginait si simple, heurté par la violence du réel qui rattrape l'imaginaire insouciant dont il rêvait...

... vous voyez ce que je veux dire !

Le jeune auteur ne sent pas à la hauteur. Il referme le fichier, et va se coucher (comment ça il n'est que 15 heures ? Et alors, il fait bien ce qu'il veut, non ?).
Le temps passe. Il reçoit un mail de réponse de "La compagnie des Écrivains" qui se déclare prête à publier son roman pour la modique somme de 5000€, qui lui donnera le droit de disposer de 200 exemplaires de son livre qu'il pourra aller vendre au marché à bestiaux du coin si bon lui semble. Pour un supplément de 500€, un correcteur peut même travailler sur son livre, c'est vivement conseillé ! Et s'il le souhaite, à partir de 390€, on peut même lui fabriquer un site web auteur qui lui permettra de se faire connaître.
Il vient de toucher son argent de poche mensuel. Avec ce qui lui reste, il dispose de 80€.
Bon... Il en utilise 1,29 pour acheter un lot de douze paquets de kleenex et s'assoit sur l'offre de la compagnie des arnaqueurs d'écrivains (pas confortable comme coussin, c'est râpeux et ça picote.)
Angoissé, déprimé, la main tremblante, Hugues poursuit encore et toujours ses investigations. Il découvre que son premier roman fait 1.583.947 Signes Espaces Comprises. Qu'aucun éditeur n'est susceptible d'accepter un monstre pareil. Que d'après les lignes éditoriales de ceux qui acceptent de la Fantasy, la présence de soucoupes volantes dans son récit risque de poser quelques menus problèmes. Et que s'il espère vivre des recettes de ses romans, il y a de bonnes chances pour qu'il se fourre le doigt dans l'oeil jusqu'au trognon.
Je ne vous cacherai pas qu'à cet instant précis, Hugues a perdu une bonne partie de sa candeur, mais aussi de son enthousiasme. Mais...



Épilogue

Comme beaucoup d'auteurs amateurs, Hugues se confronte à la réalité de l'édition après avoir écrit son premier roman. C'est ballot, il faut bien le dire, parce que si on savait à l'avance ce qui nous attend, on s'y préparerait. Mais non. Ceci expliquant cela, 95% des premiers romans des auteurs que vous lisez ont essuyé refus sur refus. Parfois, ils ont été ensuite réécrits et accepté, mais surement pas sous leur forme originelle.
Pourtant, comme beaucoup d'auteurs amateurs, passé la phase de découragement, Hugues va tirer les enseignements de toutes ces choses indispensables qu'il vient d'apprendre. C'est un passionné, renoncer à écrire lui est impossible. Si vous lisez ces lignes et que vous n'êtes pas auteur, vous devez vous dire qu'on est plus givrés que des sapins de noël, nous les scribouillards. Je crois bien que vous avez raison ! C'est à la fois ce qui nous permet d'imaginer les histoires qu'on vous raconte et d'encaisser le genre de choc que Hugues vient de vivre sans renoncer.
D'ailleurs, le grand fan de King qu'il est va découvrir "Écriture, mémoires d'un métier" et se rendre compte que son idole a connu d'innombrables refus avant de réussir à vendre ses premières nouvelles. 
Il va donc s'entraîner, lire, écrire, travailler avec acharnement. Peut-être qu'un jour, ses nouvelles seront publiées dans quelque fanzine francophone. En tout cas, maintenant, il sait tout ce qu'il doit savoir pour accomplir son rêve : que son roman soit publié. Que le libraire de son quartier le mette en devanture. Qu'il puisse y obtenir une séance de dédicace. Et si un jour, grâce peut-être à des initiatives comme l'invasion des grenouilles, son roman traverse l'atlantique, qui sait si Stephen King ne le lira pas ? Allez, laissons-le rêver :)


*Je n'invente rien ! Allez sur leur site, vous constaterez par vous-même :) (je me suis permis de rebaptiser cet éditeur, car en réalité, je ne connais pas leurs tarifs, mais je ne dois pas être bien loin de la réalité.)
**Ouvrage ô combien précieux que vous trouverez ici.

jeudi 18 septembre 2014

Chacun son (ses) genre(s) (Les Aventures de Hugues, partie 1)

Quand on commence à écrire dans les mondes de l'imaginaire, on pense que toutes les fantaisies sont permises, qu'on va investir un monde merveilleux, sans aucune frontière et pouvoir transcender tous les vieux codes éculés de la littérature classique sans se poser de questions.

Ben oui ! Après tout, un auteur comme Stephen King a fait du polar (Misery), du fantastique (Salem), de la SF (Les Tommyknockers) et même de la Fantasy (Les yeux du Dragon) sans que ça pose le moindre problème. Donc, si lui peut le faire, n'importe qui peut...

... non ?

(notez la chape de plomb qui s'abat sur le rêve du jeune auteur innocent, confronté au regard des libraires et des éditeurs)


Eh bien non ! 
La différence entre King et notre auteur Lambda (donnons-lui un nom, il va nous accompagner pendant tout cet article... On va l'appeler Hugues) est énorme. King a vendu plus de 300 millions de livres dans le monde entier. Hugues est connu de son père, sa sœur, ses petites cousines et la boulangère du quartier.
Si King sort un nouveau roman, ou même un recueil de nouvelles, quoi qu'il puisse écrire dedans, il le vendra sous l'estampille "Stephen King".
Si Hugues sort un roman ou un recueil de nouv... Ah non, il n'a aucun intérêt à sortir un recueil de nouvelles, ça se vend très mal en France. Alors mettons qu'il écrive un dyptique... Ah, non plus ! Ça se vend à peu près aussi bien que les recueils de nouvelles... Bon, Hugues sort un roman. Comme il n'a pas les yeux plus gros que le ventre, c'est un stand alone (oui, je sais, ce postulat n'est pas crédible, la plupart des auteurs débutants ont des projets de trilogie ou plus. Mais vous ferez avec ! )


Donc, tout fier de son roman de "littérature de l'imaginaire", notre bon et jeune ami Hugues au sourire débonnaire et à l'acné proéminent, se lance dans la joie et l'allégresse en quête d'un éditeur.
On va admettre que Hugues est fan de King et qu'il rêve d'être publié chez le même éditeur que son idole. Il veut donc envoyer son roman à Albin Michel.
Sa lettre de présentation pourrait ressembler à ceci :

     Cher Monsieur Michel,

    J'ai le plaisir de vous présenter mon premier roman intitulé "le premier roman de Hugues", qui relève des littératures de l'imaginaire, comme ceux de M. Stephen King. Je pense donc qu'il rentrera dans votre ligne éditoriale.
Je vous remercie par avance de l'attention que vous y accorderez.

     Bien Cordialement,

     Hugues.

Eh bien moi, je vous parie que notre pauvre Hugues n'aura plus un poil sur le caillou avant de recevoir une réponse !


Au bout de quelques semaines, Hugues sort de sa torpeur et commence à se demander s'il a bien fait d'envoyer son roman à M. Albin Michel. (Non, arrêtez de vous marrer au fond ! On a dit qu'il était innocent, jeune, toussa toussa... Soyez cléments, mince alors !) Il va donc demander conseil à son libraire préféré. Je vais être sympa, on va dire que son libraire de prédilection n'est ni Amazon ni Fnac, mais un brave et honnête libraire de quartier qui n'est pas allergique aux littératures de l'imaginaire. Si, ça existe ! Je peux le prouver !
Il explique donc à son libraire ce qu'il a fait et conclut par un tonitruant :
— J'ai bien fait, hein ?

Le libraire contient difficilement son rire, et passe ostensiblement la main devant sa bouche, feignant de se caresser le bouc pour masquer son sourire.
—Mais dis-moi, mon petit Hugues, c'est un roman de quoi que tu as écris, au juste ?

Là, le sourire de Hugues devient hésitant.
— Euh, ben c'est de l'imaginaire, quoi.

— Oui, très bien, mais quel genre d'imaginaire ? Science-fiction ? Fantasy ? Fantastique ? Uchronie ? Dystopie ?

La mâchoire de Hugues se décroche en silence. Le libraire, qui ne tient pas à perdre un de ses plus fidèles clients, prend une longue inspiration et explique au jeune auteur les différences entre ces différents genres. Comme c'est un homme très cultivé, il expliquer même à Hugues comment déterminer le genre de son roman. Mais comme Hugues est... disons... gentil, il simplifie :



— Alors, s'il y a de la magie, des magiciens, des sorciers, c'est surement de la Fantasy. S'il y a des histoires de mondes inconnus, de futur, d'extra-terrestres ou de vaisseaux spatiaux, c'est sans doute de la SF. Et enfin, s'il y a des monstres, des fantômes, des esprits ou des phénomènes irrationnels et inexpliqués, c'est certainement du Fantastique.

— Et s'il y a tout ça en même temps ? ose Hugues qui tremble à la seule idée de la réponse.

— Euh... Comment dire...T'es dans la merde jusqu'au cou !


À cet instant, Hugues se liquéfie, ses yeux se noient dans tes torrents de larmes, une cascade de sueur froide inonde chaque pore de sa peau et il perd 1D20 points de santé mentale d'un coup.
Malgré tout, notre brave libraire poursuit son analyse du texte du jeune Hugues, en dépit de son angoisse. Car il voit la nuit tomber par les vitres de son local et il sent bien que cette discussion est loin d'être finie ! Il s'avère que Hugues à écrit une uchronie faisant apparaître des éléments fantastiques et des histoires de civilisations extra-terrestres (oui, il n'a pas l'air comme ça, mais il est très fort, Hugues !)
Ne pouvant aller beaucoup plus loin dans l'analyse d'un roman qu'il n'a pas lu, le libraire lui conseille de se documenter et lui vend déjà "comment écrire de la Fantasy et de la Science-Fiction" par Orson Scott Card... Et l'intégrale de la Tour Sombre de Stephen King en livre de poche, parce Hugues lui a gentiment bouffé son après-midi avec son fichu roman inclassable qu'il a envoyé chez Albin Michel !


Hugues peine à se remettre d'un tel choc, mais il apprend beaucoup !
- D'abord que son roman qui se passe du temps des rois fainéants confrontés à d'abominables monstres qui sont revenus à la vie parce qu'une soucoupe volante qui s'était écrasée là, par erreur, du temps du crétacé, s'est mise à vibrer relève plus du genre "Fantasy". L'univers dominant est bien médiéval, les rois fainéants ont une tripotée de mages à leur service pour combattre les abominables monstres tentaculaires, et si on évoque la soucoupe volante, on ne la voit que très peu. 
- Qu'Albin Michel n'accepte pas les manuscrits relevant des littératures de l'imaginaire provenant de jeunes auteurs.
- Que beaucoup d'éditeurs acceptent les premiers romans de Fantasy écrits pas de jeunes auteurs (et là, l'espoir renaît en lui comme le phénix rejaillit de ses cendres)

Et pourtant, Hugues n'est pas au bout de ses surprises ! Et oui, ceci est un cliffhanger éhonté, voué à maintenir en vous, chers lecteurs une forte tension émotionnelle, car oui encore, cet article s'achève et je vous en livrerai la suite très bientôt, mais je préfère m'arrêter ici car il accuse déjà une certaine longueur !



À bientôt !